Je vous écris ce billet depuis la Roumanie, où j’ai parcouru à pied plus de 300 kilomètres en franchissant les Carpates. Évidemment, partir seul exigeait un minimum de préparation : itinéraire tracé, plan B en poche, équipement adapté. Pour les curieux, ma liste lighterpack complète se trouve ici.
Malgré tout, ces quelques jours ont parfois testé mes limites :
des segments de 30 km avec plus de 1 700 m de dénivelé positif ;
des meutes de chiens un peu trop agressifs pour mon goût ;
des ponts endommagés ou emportés par les crues ;
des ravitaillements incertains.
Bref, tôt ou tard, les systèmes auxquels on se fie seront perturbés, même temporairement. Dans le chaos ou l’incertitude, notre réaction immédiate peut nous tromper quand il s’agit d’un enjeu avec une certaine complexité. C’est dans ces moments‑là que j’utilise une petite technique toute simple mais efficace : le plan Napkin.
Étape 1 – Écrire les problèmes
Prenez une serviette (ou n’importe quel bout de papier) et notez les problèmes un à un. Exemple : « La nuit tombe et je n’ai pas d’hébergement ».
Étape 2 – Définir les objectifs
Pour chaque problème, formulez un objectif clair, spécifique et atteignable. Exemple : « Trouver un lieu sécuritaire et confortable pour dormir avant 20 h ».
Étape 3 – Chercher des stratégies
À partir de cet objectif, imaginez une à trois façons de l’atteindre. Exemples :
Chercher un hébergement en ligne dans un rayon de 5 km.
Aller voir un habitant pour lui demander s’il est possible de planter sa tente sur son terrain.
Poursuivre jusqu’à la prochaine localité 10km plus loin dotée d’un refuge connu.
Étape 4 – Lister les tactiques et ressources
Passez au concret : quelles actions entreprendre et quelles ressources mobiliser ? Ressources : batterie chargée, connexion Internet, argent cash. Compétences : savoir parler aux inconnus, filtrer l’eau, gérer l’épuisement pour s’y rendre.
Étape 5 – Se donner un horizon de temps
Combien de temps avez‑vous pour mener ce plan à bien ? S’agit‑il d’une urgence, d’une priorité critique ou d’un délai flexible ? Exemple : il me reste deux heures avant la tombée de la nuit. Ensuite je revise l’ensemble du plan si je ne suis pas en train de progresser.
Pourquoi ça marche ?
Cela peut paraître évident, mais dans le feu de l’action, rares sont ceux qui prennent cinq minutes pour structurer leurs pensées. Le plan Napkin permet de cartographier ses options, de clarifier ses priorités et d’éviter de sauter directement à la tactique sans avoir défini l’objectif ou envisagé plusieurs stratégies. On évite ainsi la vision en tunnel et la dépendance à une seule ressource.
Lien avec le Système de Commandement des Interventions (SCI/ICS)
Le SCI est un outil majeur en gestion des urgences. Ce système extrêmement efficace repose sur la gestion par objectifs. Cela permet de gérer la situation en étant centré les résultats et d’optimiser les ressources en incorporant un cycle de planification adaptatif. Le plan Napkin en est une version minimaliste :
identifier le problème ;
définir un objectif ;
établir des stratégies ;
dresser un plan d’action concret ;
évaluer le temps et les ressources nécessaires.
Recommencer jusqu’à satisfaction.
En résumé
En quelques minutes, sur un coin de table ou une serviette froissée, vous pouvez élaborer un plan cohérent, adaptable et clarifiant. Que vous soyez gestionnaire d’urgence, animateur d’une séance de planification ou simplement quelqu’un qui cherche à remettre un peu d’ordre dans le chaos… testez‑le ! Une simple napkin pourrait bien devenir votre meilleur outil de planification.