Aujourd’hui, tout semble être une urgence. Tout. Pas besoin de vous donner des exemples : je suis convaincu que mille situations dans les dernières semaines vous rappellent ce merveilleux sentiment générateur de stress et de pression.
Un courriel à envoyer, un projet à livrer, un système à mettre à jour ou une feuille de temps à remplir. Que ce soit le lundi matin ou le vendredi après-midi à 16 h 57.
Le problème? On perd la notion d'urgence. On crée des situations de vie ou de mort afin de pallier le simple fait qu’aucun plan ne résiste au contact avec la réalité. Que la planification ne prenait pas en compte la friction du monde réel. Que les humains ne sont pas des robots (une chance).
Dans le domaine de la gestion des urgences, il est courant de recevoir des demandes qui sortent de notre carré de sable. C’est parfois même tentant de nous appeler le département des miracles. Afin d’éviter de s’éparpiller, il faut commencer par avoir une bonne définition.
Qu’est-ce qu’une urgence? Un de mes mentors, Ghislain Raymond, m’a proposé une approche intéressante il y a de cela 10 ans, durant un cours sur les centres des opérations d’urgence.
Ça commence par se poser une question : Est-ce que des actions immédiates sont requises afin de sauver des vies, protéger l’environnement ou les infrastructures essentielles et des biens?
Si la réponse est oui, c’est une urgence.
Si la réponse est non, vous êtes peut-être dans le domaine de la gestion de crise, qui vise à sauvegarder la réputation, ou encore la continuité des opérations, qui vise à faire fonctionner l’organisation malgré des conditions anormales.
Pourtant, on utilise parfois interchangeablement « urgence » ou « crise » dans notre vocabulaire quotidien. Mais, quand on prend le temps de contextualiser les mots qu’on emploie, on ouvre la porte à des distinctions utiles. On se crée des leviers pour comprendre le réel et ensuite agir.
On pourra aussi éviter une fatigue psychologique autour de la notion d’urgence, d’une situation d’exception permanente vécue dans notre travail et dans notre vie. Éviter de confondre ce qui doit être fait en priorité, en toute importance, avec ce qui doit être fait pour sauver des vies.
Bien définir et encadrer ce qu’est une urgence est donc nécessaire pour changer la tendance. On veut diminuer le nombre d’urgences, leur impact. Le plus possible agir avant et après celles-ci pour les éviter. Sortir d’un cycle basé seulement sur l’intervention, comme c’est trop souvent le cas. Le but est de créer une société plus adaptée aux changements climatiques, plus résiliente et sans doute plus humaine.
Ajout technique :
L’idée d’une terminologie commune est un des 14 principes fondateurs du Système de commandement des interventions, une méthode utilisée en Amérique du Nord afin de coordonner des opérations d’intervention d’urgence dans le reste du Canada, aux États-Unis, dans le privé et par le gouvernement fédéral. De ce fait, on réduit la confusion, on augmente l’interopérabilité et on se dote d’outils conceptuels communs.